2023-09-28

Je perds involontairement de l’urine… aidez-moi !

Par Dr. Nathalie Leroux

L’incontinence urinaire est la perte involontaire d’urine.

L’incontinence d’effort (IUE) est la perte urinaire involontaire lors d’augmentation de la pression intra-abdominale ou d’effort physique. Les patientes souffrant d’IUE se plaignent de perte d’urine lors de toux, éternuement, rire, exercices physiques ou effort de Valsalva.

L’incontinence urinaire d’urgence est la perte involontaire d’urine accompagnée ou immédiatement précédée par une sensation perçue comme une forte envie d’uriner. Avec cette condition, les patientes ont de la difficulté à retarder les envies urgentes d’uriner et en général, elles doivent se précipiter aux toilettes dès les premières sensations d’urgences mictionnelles. Certains déclencheurs de ces envies subites sont typiques comme, l’eau qui coule, se laver les mains, l’exposition au froid ou simplement le fait d’arriver à la maison la clé dans la porte sachant que les toilettes ne sont pas immédiatement accessibles.

La prévalence de l’incontinence urinaire est évaluée de 25 à 51% des patientes dans les sociétés occidentales. Au sein de toutes les patientes avec incontinence, l’IUE compte pour 29 à 75% des cas d’incontinence. L’incontinence urinaire d’urgence compte pour environ 33% des cas, alors que les reste serait attribuable à l’incontinence urinaire mixte (un mélange des deux conditions). Par contre, les données actuelles sont limitées par le fait que plusieurs patientes ne consultent pas pour leur perte urinaire et elles ne sont donc pas dénombrées dans les études. Il est estimé que seulement une femme sur quatre cherchera à consulter pour cette symptomatologie en raison de sentiment d’embarras ou de honte, en raison également du manque d’accès au service de santé et du manque de recherche de ces symptômes spécifiques par le personnel soignant.

L’incontinence urinaire peut grandement affecter la qualité de vie avec comme résultantes des relations sociales perturbées, de l’embarras et de la frustration, des hospitalisations en raison d’irritation cutanée ou d’infection des voies urinaires. Jusqu’à un tier des patientes avouent avoir des pertes urinaires durant les relations intimes. Ces pertes ou la peur d’avoir une incontinence peut contribuer au développement d’une dysfonction sexuelle.

Les femmes plus âgées avec incontinence ont 2,5x plus de risque d’être admises en centre d’hébergement pour personnes ainées. Le risque de fracture de la hanche est également augmenté en raison de chute qui survient lorsqu’une patiente se précipite aux toilettes afin d’éviter une incontinence. Ces risques ne sont aucunement banals. L’incontinence urinaire est une pathologie qui mérite d’être dépistée et traitée pour la santé générale de la population féminine.

Plusieurs facteurs peuvent contribuer au développement de l’incontinence urinaire. La prévalence et la sévérité de l’incontinence semble se présenter et augmenter graduellement durant la vie adulte. L’incontinence ne devrait pas être considérée comme un phénomène normal du vieillissement. Par contre, plusieurs facteurs en lien avec l’âge peuvent avoir un impact et prédisposer à l’incontinence, la vessie hyperactive ou certaines dysfonctions vésicales. Chez la femme ménopausée, la baisse d’estrogènes au niveau des organes génitaux contribue au développement d’atrophie vaginale (amincissement de la paroi vaginale), l’atrophie de la muqueuse urétrale qui se ferme moins bien et perte de la compliance (souplesse) de la vessie ce qui peut prédisposer à la fois à de l’incontinence d’effort et urgence mictionnelle. En vieillissant, les urines sont moins concentrées durant la nuit et ainsi des éveils plus fréquents sont possibles.

La grossesse et l’accouchement sont deux facteurs de risque qui contribuent au développement de l’incontinence urinaire. L’accouchement vaginal peut causer des dommages directs aux muscles du plancher pelvien et aux attaches des tissus conjonctifs du bassin. De façon additive, le traumatisme des fibres nerveuses par l’étirement des tissus lors de l’accouchement contribue à la dysfonction du plancher pelvien. La césarienne pourrait être un facteur protecteur à court terme en comparaison avec l’accouchement vaginal. Cet effet protecteur se dissipe suite à des grossesses ou accouchements subséquents, diminue avec l’âge et disparait complètement chez la femme plus âgée.

L’indice de masse corporel (IMC) est un facteur de risque significatif en lien avec la prévalence à la fois de l’incontinence urinaire d’effort et l’incontinence d’urgence. Ces deux types d’incontinence augmentent proportionnellement avec l’élévation de l’IMC. Le surplus de poids abdominal crée une pression intra-abdominale exagérée sur le plancher pelvien comparée aux femmes ayant un poids santé. Comparées aux femmes non-obèses, les femmes obèses ont trois fois plus de chances d’avoir de l’incontinence urinaire. Encourager la perte de poids devrait être une option thérapeutique de première ligne et la présence de l’incontinence diminuera de façon significative suivant la perte de poids.

La ménopause pourrait avoir un effet sur l’incontinence urinaire mais séparer les symptômes qui sont associés à la baisse d’estrogènes face à ceux qui sont attribués au vieillissement s’avère difficile.

Une histoire familiale positive surtout pour l’incontinence urinaire d’urgence peut être un facteur de risque pour les filles ou les sœurs des femmes souffrant de ce type de pathologie.

Les maladies pulmonaires obstructives chez les femmes de plus de 60 ans augmentent significativement le risque d’incontinence urinaire. Similairement, le tabagisme est un facteur de risque indépendant d’incontinence urinaire. À la fois les fumeuses actives ainsi que les anciennes fumeuses ont un risque deux à trois fois plus élevé en comparaison avec les non fumeuses.

L’hystérectomie (le fait d’avoir eu le retrait chirurgical de l’utérus) n’augmente pas le risque d’incontinence.

Lors de la première rencontre médicale, il est important de mettre en lumière les symptômes principaux qui incommode la patiente. Votre médecin tentera d’obtenir de l’information sur les situations qui vous amènent à avoir des fuites urinaires. Pour l’incontinence urinaire d’effort, la perte d’urine survient en général lorsqu’il y a une augmentation de la pression intra-abdominale comme lors de la toux, rire, éternuement, manœuvre de Valsalva ou à la pénétration lors de relations intimes. La quantité d’urine perdue est variable mais la perte est en général légère. Pour la vessie hyperactive, il est commun de ressentir une envie d’uriner urgente, irrépressible. Cette urgence s’accompagne parfois d’incontinence si le délai afin de trouver une toilette est trop long. La quantité d’urine émise peut être importante avec la vessie qui se vide en entier. Il existe des déclencheurs comme l’eau qui coule, se laver les mains ou la clé dans la porte en arrivant à la maison sachant que la toilette n’est pas immédiatement accessible. Certaines patientes feront du «mapping» repérage des toilettes de façon à connaître l’endroit exact des toilettes et être en mesure d’y avoir accès rapidement si besoin. Un exemple typique est de connaître toutes les toilettes de votre centre d’achat!

On vous questionnera sur la fréquence mictionnelle (urinaire), sur la nycturie (se lever la nuit pour aller uriner) et sur les circonstances dans lesquelles surviennent vos incontinences. On fera également un bilan de vos ingestas de liquide à savoir tout ce que vous buvez. Plus de liquides sont consommés, plus nous allons devoir en éliminer et plus il est possible d’exacerber certains de nos symptômes d’incontinences urinaires. Plusieurs patientes limitent déjà d’elle-même leur consommation de liquide afin de réduire leurs épisodes d’incontinences. Il importe cependant de demeurer bien hydrater. La quantité de liquide ingérée quotidiennement devrait être autour de 1,5-2 litres de liquide total par 24 heures. Certains breuvages sont très diurétiques (vous amènent à uriner en plus grande quantité) comme le thé, le café et l’alcool. Il est opportun d’en limiter la consommation. Afin de mieux comprendre votre problématique, il se peut que votre médecin vous demande de compléter un calendrier mictionnel pour 24-48 heures.

Il sera essentiel de procéder à un examen physique. On recherchera des signes d’atrophie ou d’irritation cutanée au niveau des organes génitaux externes. L’atrophie qui accompagne la baisse des estrogènes à la ménopause peut avoir un impact sur les pertes urinaires et celles-ci peuvent s’améliorer avec le traitement de l’atrophie. Il est important de traiter également toute condition cutanée qui pourrait accompagner l’incontinence. Les urines en contact avec la peau peuvent être une cause importante d’irritation cutanée. Un examen neurologique sommaire du périné pourrait également être réalisé.

L’évaluation du support du plancher pelvien est primordiale lorsque l’on évalue une patiente pour incontinence urinaire. Le prolapsus du plancher pelvien (POP) sera donc recherché et c’est pour cette raison que le médecin vous demandera de faire une manœuvre de Valsalva (pousser) durant l’examen gynécologique. Il pourra ainsi évaluer la descente de vessie (cystocèle), de rectum (rectocèle) ou du prolapsus utérin (descente de l’utérus). Par contre, ce n’est pas parce ’qu’une patiente a une descente de vessie qu’elle est incontinente. Les deux conditions peuvent cohabitées mais sont différentes l’une de l’autre. Dans l’incontinence urinaire d’effort, on remarque une hypermobilité de l’urètre ou un défaut de support de celui-ci au niveau de la paroi antérieure du vagin. Il se peut que le médecin vous demande de tousser durant l’examen afin de mettre en évidence cette hypermobilité et la perte des urines. Un examen bimanuel complètera l’examen de votre utérus et de vos ovaires comme il est commun de faire lors d’un examen gynécologique afin d’éliminer des masses pelviennes.

En général l’investigation est plutôt simple et le plus souvent une analyse et culture de vos urines sera suffisant. Dans certains cas plus complexes, un bilan urodynamique pourrait être recommandé et vous sera expliqué par votre médecin.

Multiples options thérapeutiques peuvent être envisagées.

Diète

Plusieurs aliments peuvent être acides et peuvent irriter votre vessie vous amenant à vouloir aller à la toilette plus souvent. Une liste complète de ces aliments existe mais il faut tenter de remarquer ce qui provoque plus un changement au niveau de vos propres habitudes mictionnelles lorsque consommé. L’élimination de ces irritants peut améliorer la symptomatologie. La caféine, le thé et l’alcool sont très diurétique et vous feront uriner en plus grande quantité. Ils peuvent faire en sorte qu’une personne avec une vessie hyperactive n’arrive plus du tout à temps à la toilette et ait des épisodes d’incontinence d’urgence quand elle consomme ce type de breuvage. Également tel que mentionné plus tôt, une perte de poids peut avoir un impact positif majeur sur l’incontinence urinaire.

Mictions programmées

Des patientes avec urgences mictionnelles peuvent avoir une sensation de vouloir uriner jusqu’à 10-15x/ jour. Lors d’une urgence, le détrusor, muscle entourant la vessie, se contracte de façon autonome. C’est comme si la vessie essayait de se vider par elle-même sans contrôle pour la patiente.

Le but initial est donc d’allonger le temps entre les visites aux toilettes de 30 minutes en plus à la fois. Utiliser les exercices de Kegel durant les épisodes d’urgence de façon à supprimer l’envie d’uriner et ainsi espacer les mictions. Utiliser la méthode de miction programmée (par exemple aux 2 heures) fait en sorte que la vessie est vide sur une plus grande période de temps durant la journée et permet un meilleur contrôle lorsque survient une urgence. Pour certaines patientes les urgences surviennent seulement lorsqu’un certain volume de liquide est atteint dans la vessie d’où la nécessité de la vider plus fréquemment en début de traitement.

Remplacement local en estrogènes

Le traitement avec des estrogènes locaux (dans le vagin) améliore la coaptation urétrale et donc la fermeture de l’urètre et ainsi diminue les incontinences d’effort. La patiente ménopausée qui aurait de l’atrophie vaginale mériterait donc un traitement hormonal local dans le but d’améliorer la qualité de la muqueuse vaginale et urétrale. La situation peut être différente lorsque l’on parle de remplacement hormonal systémique (par la bouche ou transdermique). En fait bien que les évidences scientifiques ne démontrent pas tous un bien fait sur les tissus urogénitaux, des études spécifiques sur l’incontinence urinaire ont démontrées que l’incontinence urinaire peu s’aggraver suite à l’initiation d’une hormonothérapie systémique.

Rééducation périnéale

Le traitement conservateur devrait être le traitement initial à proposer à toutes les patientes. La rationnelle est de renforcir les muscles du plancher pelvien, ceux qui supportent l’urètre ainsi que tous les organes comme la vessie, le rectum et l’utérus. Une contraction efficace du plancher pelvien apporte un support de l’urètre et donc prévient les fuites à l’effort. Également lors d’une urgence, un plancher pelvien plus fort vous aidera à activer la musculature afin de vous permettre de vous rendre à la toilette à temps et prévenir une fuite.

Un entraînement efficace des muscles pelviens peut améliorer et parfois complètement traiter des patientes avec incontinence urinaire légère à modérée. L’exercice de Kegel est la contraction active et volontaire des muscles des releveurs de l’anus (plancher pelvien). Il peut être difficile pour une patiente de contracter de façon isolée ces muscles. Certaines patientes contractent plutôt les muscles abdominaux. D’autres feront l’effort contraire, soit un Valsalva (l’effet de pousser). Dans ce cas, la symptomatologie pourrait même empirer suite au traitement. Il est estimé dans certaines études que jusqu’à 80% des femmes n’arrivent pas à reproduire une contraction adéquate des muscles du plancher pelvien. Bien que cette contraction puisse être bien exécutée pour certaines, le recrutement musculaire est lent et la force de contraction faible.

Une physiothérapeute spécialisée en rééducation périnéale peut vous accompagner dans l’entraînement des muscles de cette région qui sont parfois difficile à activer. Il est possible que l’on vous propose un traitement avec une sonde vaginale. Celle-ci vous permettra de voir l’importance de la contraction que vous développez durant votre séance d’exercices et vous permettra d’avoir de meilleurs résultats. Il est possible que plusieurs séances de physiothérapies soient nécessaires afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Il faut se rappeler que le traitement de l’incontinence urinaire par la physiothérapie peut également prévenir le développement futur de prolapsus ou descente des organes pelviens.

Certains lasers pourraient apporter une amélioration de la symptomatologie lorsqu’ils sont utilisés chez les patientes ménopausées chez qui l’atrophie vaginale est présente.

Une autre option thérapeutique est la radiofréquence vaginale. Ce traitement amène une régénération des tissus par l’application directe de radiofréquence qui augmente la température locale des tissus traités. Encore une fois, ce traitement vise davantage les patientes en post ménopauses qui manquent d’estrogènes au niveau des tissus urogénitaux

En dernier lieu, la technologie de résonnance magnétique focussée de haute intensité peut être utilisé et l’on rapporte 65% d’amélioration de la symptomatologie chez les patientes traitées. La force de contraction musculaire développée durant une séance est de beaucoup supérieur à ce qu’il nous est possible de faire individuellement. Il est également possible de maintenir cette contraction musculaire plus longtemps que ce ne que nous sommes pas en mesure de faire volontairement. Des résultats appréciables sont possibles après 6 séances (2 séances/semaines).

Traitement pharmaceutique

Le traitement pharmaceutique joue un rôle minime dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort. Certains antidépresseurs peuvent avoir un effet sur des récepteurs de l’urètre.

Plusieurs médicaments, principalement des anticholinergiques et des B-adrénergiques existent afin de traiter la vessie hyperactive. Certains peuvent comporter des effets secondaires. Si votre médecin considère que vous seriez une bonne candidate pour un essaie thérapeutique, il sera vous conseiller sur le médicament qui semble le plus approprié à votre situation.

Pessaire

Un pessaire est une prothèse en silicone qui est insérée dans le vagin afin de corriger l’incontinence urinaire et les prolapsus du plancher pelvien. Il existe plusieurs types et grandeurs de pessaire. Celui utilisé pour l’incontinence est fait de façon à prévenir l’excursion (mobilité de l’urètre). Le succès du pessaire pour traiter l’incontinence urinaire varie selon le degré de prolapsus et de plusieurs autres facteurs. Ce n’est pas toutes les femmes qui sont de bonnes candidates pour l’utilisation d’un pessaire. Celui-ci nécessite un nettoyage (retrait) qui vous sera enseigner. Dans le cas où la patiente n’est pas en mesure de procéder elle-même aux soins de son pessaires, cet entretien peut être pris en charge par un personnel infirmier en CLSC par exemple.

Chirurgie

Plusieurs types de chirurgies existent et elles ont pour but le traitement de l’incontinence urinaire d’effort. En général, les urgences mictionnelles ne sont pas traitées par la chirurgie et ces symptômes peuvent même parfois augmenter suite à une chirurgie pour incontinence d’effort. L’évaluation préopératoire est très importante car il importe de traiter tout prolapsus des organes pelvien en même temps que l’incontinence de façon à obtenir un meilleur succès à long terme pour la cure de ces deux conditions. Votre médecin saura discuter de toutes ces possibilités et vous conseiller sur ce qui conviendrait le mieux à votre situation propre.